On aime beaucoup les héros, c'est sans doute pourquoi l'on aime raconter leur histoire à ses enfants et petits-enfants, qui devenus parents et grands-parents à leur tour, font de même avec leur descendance, chaque génération brodant un petit peu, et changeant par là un petit peu l'histoire. C'est sans doute pour cela qu'il existe plusieurs versions des événements du 8 septembre 1790.
Voici l'une d'elle :
Il était une fois une ville magnifique, bercée par le Do de la Vièze, le Mi de la Meunière du ent, et le Sol de la Meunière de Bise. C'était Monthey.
Hélas, un château triste se détachait de la forêt. Depuis bien longtemps, les Belles au Bois dormant de la Savoie l'avaient quitté, car il était hanté par une méchante créature du Haut-Valais, le gouverneur Hildebrand Schiner. Ce tyran inventait de nouveaux impôts, trouvait toujours une raison pour infliger des amendes et confisquer les biens de la population, ceci à son profit personnel. D'ailleurs, il avait acheté sa charge au prix fort et sa seule préoccupation était de rentrer dans ses fonds, puis de faire rapidement fortune.
Or, il advint qu'un Val d'Illien honnête et généreux s'en revint du marché de Monthey avec sa mule. Il s'en retournait dans son village. C'était Pierre-Maurice Rey-Bellet, dit le Gros Bellet. Il faisait chaud. Depuis plusieurs jours, le temps était lourd. La pauvre mule avait bien de la peine à tirer l'attelage, chargé de commissions pour toute la famille. Enfin, ils arrivèrent proche de Vers Ensier, où ils pourraient se désaltérer à la fontaine. Le Gros Bellet trouvait sa mule bien nerveuse ; peut-être sentait-elle l'eau; ou alors c'est qu'elle entendit avant lui les jurons et les cris de deux hommes qui allait en venir aux mains. Abandonnant la mule, qui fila toute seule vers la fontaine, le Gros Bellet s'approcha des deux hommes, du haut de ses deux mètres. Il les sépara. Peut-être y alla-t-il un peu fort, car l'un d'eux saigna du nez. Tenant un mouchoir contre son visage, le blessé s'éloigna en menaçant, et porta plainte chez le gouverneur Schiner. Quelques jours plus tard, le Gros Bellet fut cité à une audience à Monthey. Il descendit à pied depuis Val d'Illiez et vint se présenter au château. Schiner l'attendait, vêtu d'une culotte (style cycliste), d'une veste à la française, et d'une perruque à catogan. Il se frottait les mains et avait la bonne humeur d'un gouverneur qui sort de table pour infliger une amende illégalement élevée. Il s'était poudré le visage de blanc pour donner une impression digne, et surtout cacher le teint 'Goron' de son visage, sans doute dû à une trop grande consommation d'eau de la Vièze.